Il est arrivé chez nous en plein printemps 2012 .Les pruneliers et l’aubépine étaient en fleurs. Giles et Laurent, père et fils, deux voisins, étaient venus nous aider avec les piquets de la clôture et avec Yves et son beau-frère nous avions juste fini de lui construire un abri. Brigitte et Démian venus déjeuner quelques jours auparavant en avaient cloué les premières planches… Contre les fils de fer barbelés et avec Tina, on avait mis en place de la clôture à mouton en prévision de Dora et Dini qui allaient arriver plus tard. Ça avait été un vrai travail d’équipe.
Il avait juste un an. Quelle allure il avait ! Pas plus haut que trois pommes et un port de prince, la tête haute et le dos bien droit. A l’entrée de son enclos il s’est arrêté avec ce monsieur qui lui parlait doucement et lui expliquait que voilà sa nouvelle maison. Lui, immobile, il regardait tout et tout le monde.
Le monsieur est parti et la vie avec Galopin a commencé. Il connaissait déjà le licol que je laissais pendre sur la barrière de son enclos. Je disais à Geoff j’aimerais qu’il l’attrape et me le montre quand il veut aller se balader…Il n’a pas fallu longtemps pour qu’il décroche son licol et le secoue en nous regardant.
Très vite nous sommes partis en balade le long des petites routes autour d’ici et très vite je me suis rendue compte qu’il me fallait de l’aide. D’abord en rentrant d’une promenade un après-midi il s’est couché à l’entrée de son enclos et impossible de le faire bouger. Alors il se roulait d’un côté et puis de l’autre avec un plaisir évident mais sans intention aucune de rentrer chez lui. Les gens du village m’ont dit prend un bâton ! Tu verras ça marche bien !
J’étais horrifiée.
Je suis allée en ligne et j’ai trouvé Melody ( donkeywhisperer.com). Elle a été mon coach. Geoff nous filmait quand on marchait ensemble et puis on envoyait nos vidéos à Melody qui les commentait. Oh la la ! elle disait mais c’est pas toi le chef, c’est lui ! On riait. Moi qui essayais d’avoir l’air très cool et très pro avec mon âne….Elle me disait le test ultime d’un bon chef c’est de pouvoir créer une confiance mutuelle, marcher avec Galopin sans longe et faire confiance à la relation. Melody me disait les ânes aiment avoir un bon leader, mais si tu n’es pas à la hauteur ils feront tout pour se débarrasser de toi. Pendant le reste de l’été sur Skype on a travaillé.
Quand Geoff était au jardin, Galopin lui était dans l’enclos juste au-dessus et pardessus la clôture Geoff lui offrait et pissenlits, et pourpiers et autres indésirables dont il raffolait. Tout en broutant Galopin suivait d’un œil intéressé tous les gestes de Geoff. Quand par hasard Geoff se baissait pour tirer sur une mauvaise herbe alors il relevait la tête d’un coup et s’approchait vite de la clôture en avançant ses lèvres pour recevoir le cadeau. Ces deux-là étaient heureux.
En juillet nous avons reçu sa carte d’immatriculation : Il était le No 52 646 211 G aux haras nationaux. Le vétérinaire est venu le vacciner contre le tétanos et la grippe équine mais pour le pucer, ça a été une autre histoire. On avait attaché Galopin au marronnier dans la cour. Galopin n’était pas tranquille et pour ne pas qu’il sente la douleur de l’aiguille le vétérinaire cet imbécile, lui a tordu l’oreille pendant qu’il piquait. Galopin a cassé sa longe et il est parti à fond la caisse, a traversé le portail et s’est arrêté dans le champ de Jean-Pierre de l’autre côté de la route. J’étais furieuse avec cet andouille de vétérinaire qui est reparti vite. Plus jamais celui-là je me suis dit.
Et puis il y a eu Jan (fr.libertedesanes.com), près de Lauzerte qui nous a prévenu du danger des ânes entiers (non castrés). Des accidents graves j’en ai suffisamment entendu pour comprendre que la castration de Galopin était inévitable.
La cohabitation avec Dora et Dini La petite brebis et le bélier n’ayant pas été concluante, lui trouver un copain était tout aussi urgent.
Un samedi matin nous sommes partis dans les Pyrénées pour aller choisir entre Oscar treize ans, paisible, doux et triste, et Bijou un an, un gringalet de petit âne, pas de fesse, le dos creusé, et les oreilles couchées. Il ne gagnera jamais les concours celui-là, j’ai pensé, mais c’est lui que nous avons choisi pour Galopin.
Melody nous avait conseillé de ne pas les mettre ensemble tout de suite mais suffisamment proche pour qu’ils se rencontrent et apprennent à se connaitre d’abord. Le jour d’avant l’arrivée de Bijou, nous avons donc partagé le champ de Galopin en deux avec une porte entre les deux. La clôture n’a pas résisté longtemps : juste quelques heures après son arrivée Bijou l’avait sauté pour retrouver Galopin. Les scènes qui ont suivi nous ont semblé assez violentes. Ce que nous ne savions pas alors c’est que les animaux établissent leur dominance pour la protection du groupe. Galopin étant le dominant, il a passé les deux jours suivant à monter Bijou et simuler un accouplement. Bien qu’il n’y ai pas de pénétration, il y avait tout de même des éjaculations sous le ventre de Bijou qui semblait désirer et accepter cette dominance.
Quelques jours plus tard, un vétérinaire arrivait pour castrer Galopin. Je lui avais donné un calmant avant de le sortir de son champ et le reste est une histoire bien triste. Galopin est mort durant la castration. Son cœur a lâché. Une de leurs faiblesses…..ou est-ce la dose d’anesthésiant qui était trop forte ?Nous ne le saurons jamais. Nous avons bien pleuré notre petit ami. Geoff qui écrivait une colonne mensuelle régulièrement pour ses amis n’a plus écrit. Le cœur lui manquait. Et Bijou, pauvre Bijou, il a attendu son copain pendant des jours entiers, debout au portail de son enclos.
Nous avions eu six mois d’apprentissage, de jeux, de joies, de rires, de bêtises et puis ce fut son heure, il s’en est allé….