Ah, les ânes…..

On finit de déjeuner. Un texto d’Andrea au Boutiq : venez boire un café cet après-midi. Je réponds pronto, bonne idée, nous venons avec les ânes, ok pour toi ? oui, pas de soucis, chouette, mais pas trop tôt, je suis en train de cuisiner, je viens de mettre un gâteau au four. Alors vers quelle heure ? Eh bien vers 3h ?

Je pars licoler les ânes pendant que Geoff met ses chaussures. Récemment on monte les ânes chez Carles presque tous les jours quand il fait beau. Avec cette régularité, les ânes sont de plus en plus faciles et accommodants. Il nous faut compter un quart d’heure jusqu’au pré. Une longe courte signifie on marche, une longue longe et ils peuvent brouter en route. La communication est claire et ils ne tirent pas sur leur longe. Pas besoin de les attendre longtemps le soir quand on arrive là-haut. On appelle et ils arrivent en courant. Ils aiment rentrer chez eux.

Je prends les harnais dans la remise et je les appelle. Ils sont là tout de suite. Quand ils ne veulent pas sortir leur message est le suivant : On ne bouge pas d’un poil où qu’on soit. S’ils nous tournent le dos et bien on ne tourne même pas la tête et on montre son cul. Ce n’est pas très souvent mais ça arrive. Alors je tourne les talons et je vais faire autre chose.

Aujourd’hui ils sont partant et au portail. C’est vrai que depuis deux jours on les emmène se balader avec nous et ils adorent. L’herbe est si belle autour du cimetière, on connait les bons coins. Alors aujourd’hui ils espèrent bien partir en balade et ils sont prêts.

C’est une belle journée ensoleillée et douce, on descend sur le Boutiq, 20 minutes à pied. Geoff a pris la Bichette devant et j’ai Bijou derrière. Longe courte, on marche.

Andrea a préparé la table et les fauteuils dehors sous le grand frêne devant sa maison. Un tableau pastoral d’une douceur infinie. Des petites bâtisses en pierre de différentes tailles entourent sa cour dans le temps il y avait un ou deux cochons, des poules et des canards et peut être une chèvre. Andrea aime les plantes et il y en a partout qui filent le long des murs, qui montent et se croisent. On devine la vie qui se prépare dans chacune d’entre elles. Ce doit être si beau au printemps.

Le café fume, le gâteau au chocolat est appétissant. Je vérifie d’abord avec Andrea, y a-t-il une clôture plus bas ? non, c’est les champs des voisins. Entre deux bâtiments il y a un passage et on voit les prés tout en herbe à perte de vue en direction de Belmont. Je détache les ânes. Tu n’as pas peur qu’ils foutent le camp ? non, ils vont rester par-là tu verras. La promesse de ce chocolat sur mes papilles est vraiment trop forte….

On s’installe autour de la table, il y fait si bon. Le soleil qui nous caresse est si doux. Les poules d’Andrea creusent dans le potager, ses deux chats passent indifférents, le café et le chocolat sont délicieux, on se dit on devrait faire ça plus souvent.

Andrea est allemande. Elle a eu une vie amoureuse mouvementée, une fille au USA, a vécu en Italie avec un mari et des chevaux entre autres, et puis maintenant c’est ici qu’elle vit seule dans ce petit hameau paumé d’une dizaine d’habitants. Elle a bien essayé d’offrir son amitié aux vieilles dames de son voisinage mais sans trop de succès. Son accent peut-être, qui sait ?

En tout cas elle parle anglais même si elle préfère parler français. Pour Geoff c’est bien, il aime bien Andrea. Il n’y a pas beaucoup de gens ici pour bavarder avec lui en anglais alors il en profite.

Je ne vois plus les ânes. Je pars à leur recherche. Ah, les salauds !!! ils ont tout simplement disparu ! Je longe les champs près des maisons et je les trouve plus loin dans un petit sous-bois. Seulement pas question pour eux de me suivre, vous pensez bien. La vie en liberté c’était super et voilà que dès que je les approche ils démarrent à fond la caisse et me laissent loin derrière. C’est un jeu et ils sont malins.

Pendant une heure ils vont courir comme des fous et me faire marcher des kilomètres. Je suis en forme et je ne m’inquiète pas mais je me dis que j’ai été bête vraiment et beaucoup trop confiante. Un âne en longe et un âne en liberté sont deux animaux complètement différents. Ils nous ont fait le coup une fois déjà, j’aurais dû me méfier. On était parti en balade avec Dominique et confiante, je les ai lâchés au-dessus de chez Françoise. On les a cherchés très longtemps après et on les a retrouvés sur la route de Bonnecourse à la nuit tombée 3 heures plus tard, à 200 mètres de chez nous, ils rentraient. Geoff avait angoissé. Il n’avait pas été impressionné par ma confiance.

Quand avec Geoff et Andrea on les fait remonter jusque dans la cour où ils sont maintenant coincés malgré eux, Bichette se laisse prendre. Si on en a un, l’autre ne va jamais très loin. Bijou repart mais cette fois-ci pas d’inquiétude. Tu ne gère pas tes ânes me reproche Andrea. C’est vrai, il ne faut pas que je fasse ça trop souvent. Et toi ? tu gérais tes chevaux ? non plus. Rire.

Il nous faudra faire une sorte de barrière la prochaine fois me dit-elle. Parce qu’ils n’ont pas besoin de partir vraiment, il y a plein d’herbe chez moi. Mais oui, mais l’appel du large, L’aventure, la liberté…c’est trop fou, c’est trop fort….

Je fini mon café avec Bichette à côté de moi, toute calme et docile. Elle accepte le licol et les caresses d’Andrea. Elle flaire tout sur la table mais ne touche à rien, elle est si mignone.

Bon, on y va. Je crie pour Bijou qui broute derrière la grange. Il ne bouge pas, il m’ignore. Quand je lui dis qu’on part sans lui Andrea se moque de moi. Tu es sure qu’il va te suivre ?  On se dirige néanmoins avec Bichette vers le portail maintenant ouvert. Bijou arrive alors comme un bolide, et s’arrête pile devant Geoff. Il se calme sur le champ comme Bichette une fois attaché et on sort du Boutiq. Andrea n’y croyait pas, je jubile.

20 mètres plus loin, Marion et Mme Boutelle discutent. Nous n’avons encore rencontré ni l’une ni l’autre. Les chiens de Marion font un tintamarre à tout casser derrière la haie en apercevant les ânes qui sont maintenant impassibles et broutent au bord du chemin. Marion est nouvelle dans ce petit bourg. La maison et grange attenante qu’elle vient d’acquérir sont en travaux et quelques voisins la regarde sans bienveillance. C’est dommage, elle est mignonne Marion, et elle a du courage avec tous ces travaux et toute seule en plus. On bavarde.

 Et puis on rentre chez nous en passant par Mazerac, longe courte.

Ce soir on se dit qu’on est heureux pour les ânes. Ils ont vraiment fait la fête aujourd’hui.

4 réflexions sur “Ah, les ânes…..

  1. Catherine Bertrou

    Martine ma cousine,
    Quel beau texte encore une fois.
    Tout un art d’écrire ,tout un art de vivre…
    Ta façon d’accompagner tes ânes est remarquable,tu les guides tout en les respectant complètement!(je retrouve là les principes d’éducation des « libres enfants de Summerhill » des années 70)
    Comme la liberté est importante pour toi! Tes ânes chéris trahissent une fois ta confiance infinie,et tu renouvelles malgré tout l’expérience! Non,ce n’est pas qu’une question de gourmandise!
    VIVE LA LIBERTÉ! À l’heure où elle est si fragilisée…

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