Ça y est les parents, nous avons signé la vente de notre maison hier soir. De 1964 à 2022, presque 60 ans après le déchirement de l’Algérie. On quittait Bourourou pour toujours, et on arrivait ici à Montauban dans cette grande maison si froide l’hivers mais si délicieusement fraiche l’été et à 6 kms de l‘école. Tu avais dit à papa, cherche une ferme proche de l’école pour les enfants. Ça avait été ta seule condition. Qu’il vente, pleuve ou neige, on a fait toute notre scolarité en vélo d’abord et puis en mobilette.
Presque 60 ans pendant lesquels nous sommes passés d’enfants à parents puis grands-parents. On a tous changé, avec des kilos en plus et de l’insouciance en moins. La maison elle, n’a pas changé. Aucun aménagement ou presque en 60 ans. Aucun confort, des courants d’air, les seaux au grenier quand il pleuvait, les robinets qui fuyaient, les fenêtres qui fermaient mal, les portes qui grinçaient…mais on avait chacun sa chambre, un baiser de maman qui passait chaque soir et dans chaque chambre, les cousins l’été, nos rires et nos bêtises, les virées au lac de Melmoux après les pêches, les méchouis mémorables sous les chênes le dernier weekend d’aout….
La ville avait gardé ses lumières de Noël, comme si elle nous attendait. C’était une belle nuit claire de pleine lune avec des milliers d’étoiles, et toute cette clarté joyeuse s’était invitée par les immenses fenêtres de cet ancien hôtel particulier du 18eme en plein centre- ville. Le moment aurait pu être solennel, il ne le fut pas.
Nous étions cinq sur six, eux étaient quatre plus les deux notaires dans cette belle salle pour signer la fin de notre histoire ensemble.
La fatigue accumulée par ces mois de bataille, d’administration et de stress avait eu raison de notre ainé. Il était fatigué. Notre benjamin lui, était un peu triste. Etant le petit dernier, le seul à être né dans cette maison et puis à y être retourné adulte avec sa famille et pour plusieurs années afin d’y accompagner maman, il rencontrait souvent l’incompréhension et la réprobation de la fratrie pour cette nostalgie qui lui colle au ventre depuis toujours.
Les deux frangines à ma gauche papotaient de ceci et de cela, légères et apaisées il me semblait.
Après la longue séance de lecture et de précisions, une fois les signatures enregistrées, je suis partie vite. Je désirai rentrer et je désirai le silence. Le froid qui m’accueillit dehors me fit du bien, les rues étaient vides.
Je n’y retournerais pas, Je n’aurais pas la curiosité de voir la transformation de notre maison, mais je garde bien au chaud mes souvenirs de petite fille heureuse, libre et solitaire. Je suis à jamais reconnaissante pour ces années de ma petite enfance : Vadrouiller toute la journée et pieds nus, me faisant ainsi une bonne corne bien dure sous les pieds me rendant invincible, me savoir aimée… Je vivais alors dans les nuages et que j’y étais bien !
Mes nuages, je les retrouve maintenant à Balthazard avec nos ânes, nos brebis et nos poules.
Merci les parents. Avec ma part d’héritage je vais pouvoir continuer les travaux d’aménagement de notre grange où j’espère créer un lieu de rencontre. Je garde un souvenir fort d’une anecdote quand nous étions adolescents un été : Une voiture immatriculée en Belgique qui montait la côte lentement et cette femme qui en est sortie une fois dans la cour. Elle cherchait notre maison depuis plusieurs années sans succès et puis voilà qu’elle l’avait trouvé. Elle était émue. C’était la maison de ses vacances pendant la guerre quand elle était enfant. Son père louait cette maison pour aider des réfugiés juifs à passer en Espagne. Je n’ai jamais oublié l’émotion de cette femme devant notre maison.
Quel beau portrait ! Les maisons ont une âme et tant d’histoires et d’émotions à raconter. Cet hommage éveille une foule d’images tendres, joyeuses, poignantes de vies qui habiteront les pierres à jamais. Ton texte me fait encore mieux ressentir notre chance d’avoir trouvé la maison (et le jardin) avec laquelle nous vibrons en harmonie. Bon dimanche ! Danielle
J’aimeAimé par 1 personne
Magnifique photo de votre maison dont je fais ainsi un peu la connaissance!
Belle et tendre épopée familiale aussi!
Merci Martine!
J’aimeAimé par 1 personne
Merci Martine pour le partage de ce moment, et pour ce beau texte !
J’aimeAimé par 1 personne
A fond farewell.
It’s lovely for me to have some great memories from there too.
J’aimeJ’aime
I am so glad you have Nick! It was such a great place for summer parties…
J’aimeJ’aime