Notre camionnette,

Notre vieille 403 est chez Michel depuis quelques jours. Elle n’est pas en bon état, et j’ai demandé à Michel notre mécanicien à Puylaroque de la regarder pour nous donner une idée du coût necessaire pour la remettre sur pied. Papa l’avait acheté d’occasion en 1962 pour la ferme où elle a servi jusqu’en 1987 quand papa a pris sa retraite. Il est décédé en 1992 et la camionette est restée dans la cave jusqu’à la semaine dernière. J’ai demandé à maman et aux frères et sœurs de se souvenir….

La traversée du Massif Central :

En Aout 1966, les grands-parents fêtaient leur 40 ans de mariage. Papi était d’une famile de 9 enfants et mamine de 5. Ensemble ils avaient eu 6 enfants et ils avaient à l’époque 14 petits-enfants( Eric, Fabrice, Annaud et Jean-Luc n’étaient pas encore nés). Cela allait être une grande fête de famille et pas question de manquer ça. Avec de la paille à  l’arrière de la camionnette et une bâche par-dessus qui remontait sur les côtés pour éviter les courants d’air, se souvient Francois, nous sommes partis un vendredi soir à 22h après la « Confirmation » de Brigitte à Notre Dame de la Paix. Papa avait enlevé la vitre arrière côté passager pour que maman puisse nous passer les sandwiches et les boissons. Thierry était alors le plus jeune, il avait 4 ans.

Il n’y avait pas d’autoroute pour traverser le Massif Central et papa a conduit toute la nuit, 600kms à 80km/h, pour arriver à Grange-Haute, Serpaize, en Isère, à 8h le lendemain matin, raconte maman….Au retour, 2 jours après, ils ont partagé la conduite. Pour nous les gamins, quelle aventure ! mais pour les parents, très très fatiguant. Ils étaient éreintés et se sont jurés de ne plus recommencer. A partir de ce jour les virées à Grange-Haute pour des Noëls inoubliables, on les faisait en train.

Le temps des pêches :

L’école finissait fin Juin et quel soulagement c’était. L’été était là avec ses promesses de joies. On étaient excités.

En Juillet, dès qu’on était capable d’aider, on travaillait aux pêches avec maman. On se levait tôt, bien avant que le soleil soit chaud, on descendait à la cuisine pour un grand chocolat, pain, beurre et confiture, et on passait la matinée à ramasser les pêches jusqu’à midi avec la radio. Les garcons conduisaient le tracteur et s’occupaient d’emmener les cageots pleins et de nous ramener des vides. Puis c’était le déjeuner dans la salle à manger fraîche et les volets en espagnolette. On étaient entre 10 et 12 autour de la table. Ensuite c’était  la sieste divine. La grande maison pleine de nos voix et de nos rires était soudain silencieuse. C’était le seul moment de l’année ou on était dispensé de débarasser la table et de ranger la cuisine. Maman était formelle, on avait besoin de repos. On dormait  si profondement qu’il lui était difficile de nous reveiller une heure plus tard sans qu’elle se sente coupable…

Les après-midi on les passait sous le hangard à trier les pêches dans les différents alvéoles suivant leur taille. La radio indispensable toujours là, on chantait avec Michel Sardou, Joe Dassin, Michel Polnareff et Francoise Hardy et tous les autres….On connaissait toutes les paroles. Vers les 16h30 on filait prendre un gouter et puis on revenait vite.

Les cageots pleins en fin d’après-midi étaient ensuite rangés dans la camionnette et envoyés au Marché-Gare de Montauban, ou ils étaient inspectés, comptés et pesés. Un prix était griffonné sur un bout de papier que papa apportait à la comptabilité pour se faire payer. Thierry , maintenant 50 ans, se souvient en souriant du nombre exacte de cageots qu’il rangeait dans la camionnette: 213….

Un de nous accompagnait papa au Marché-Gare pour aider à décharger. Papa n’avait qu’un bras. Il avait reçu une balle dans l’épaule gauche pendant la guerre et son bras gauche maigre et sans vie pendait le long de son corps. Il pouvait conduire mais était limité dans beaucoup de situations. Pour nous les gamins qui l’avions toujours connu comme ça, on y prêtait pas attention.

Il y avait des bons jours quand papa était léger et taquin, mais ils étaient rares. Il avait fait la 2me guerre, perdu un bras et des copains, connu les évenements traumatisants de la guerre d’Algerie qui avait égorgé ses amis avec femmes et enfants,  perdu sa ferme et son pays. Tout ça avait été trop, beaucoup trop, et la plupart du temps il était absent et silencieux. Maman était son bras gauche, et le secondait 24h/24h. Elle était aussi notre pillier à nous, avec un surplus d’énergie et d’affection et une capacité grandiose de travail et de rire.

Les parents ne pouvaient pas s’offrir d’ouvriers et c’étaient nos cousins, ado comme nous, qui venaient passer un mois chez nous à nous aider. Les pêches étaient notre source principales de revenus pour l’année et donc importantes. Hervé et Anne venaient d’Orleans, Didier de Paris, Philippe de Serpaize, et Patrick de Bourg Argental. Les grand-parents côté maman, venaient pour aider aussi. Mamine s’occupait de la maison et faisait la cuisine, Papi était au ramassage le matin avec nous. Une année ou deux, il y a eu Anne Sofie, mon amie danoise et Henrik un autre danois.

Quand on ramassait les pêches on jetait celles qui avaient des défauts ou des marques, résultat d’une grêle printanière. Le goût n’était pas different mais les fruits n’étaient plus présentables. Certaines années on en avait tellement de ces fruits-là que Papa les donnait à la prison, au couvent ou aux hopitaux de Montauban, plutôt que de les jeter dans le Tarn comme faisaient les autres producteurs.

La seule et unique fois que j’ai vu maman pleurer était lors d’un de ces orage de grêle quand les pêches étaient encore de la taille d’une olive. Je la revoie appuyée contre le cadre de la porte d’entrée face à l’orage. Des larmes coulaient sur ses joues, silencieuses. Elle savait que cette année-là il n’y aurait pas de pêches à ramasser….Quand elle s’est retournée en refermant la porte, ses joues étaient sêches. Ils ne nous ont jamais parlé de leur problèmes d’argent que beaucoup plus tard.

Anne Sofie ne pouvait pas jeter ces pêches-là et elle les mangeait toutes. Elle en a mangé des seaux entiers! Catherine notre cousine avait fait un urticaire terrible sur le corps entier. On en mangeait beaucoup nous aussi mais seulement les meilleures, les bien mûres en haut des arbres, trop juteuses pour la vente. Les pies les aimaient aussi celles-là!

Le ramassage des pêches était une tache délicate. On devait choisir les fruits ni trop mûrs ni trop verts. Le fruit idéal pour la vente était un fruit vert avec une légere coloration orange, rouge ou jaune. Les pêches trop mûres étaient mangées sur place et les vertes restaient sur l’arbre pour les jours à venir.

Quelques fois en fin de journée, il n’y avait pas assez de cageots pour un voyage au Marché-Gare, alors on partait tous dans la camionette chez Mr Melmoux à ST Etienne de Tulmont, faire un plongeon dans son lac. Mr melmoux était un producteur de pommes à 10kms de chez nous et le meilleur ami de papa. Cétait un grand mec jovial avec toujours une casquette de capitaine de marine sur la tête. Il flirtait avec maman et avec nous les filles mais c‘était respectueux. Avec lui papa allait boire son pastis et parler politique pendant notre baignade. On était tous des bon nageurs et personne ne se souciait de nous.

Quand on étaient des ados, l’été à la ferme était une belle periode.

Avec le moteur félé et de la rouille partout dessous Michel n’est pas positif. Il faudrait y mettre entre 7000€ et 8000€ minimum. Il n’en est pas question, on la vendra pour ses pieces. Je suis un peu triste mais ce serait chouete si quelqu’un pouvait y trouver son bonheur.  Je la mettrais sur le net dès que j’ai une minute…

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