Octobre déjà !

OCTOBRE déjà avec le froid qui est arrivé si vite. On est passé des chaleurs au froid sans transition…alors vite on allume la cheminée.

« Ciel pommelé et femme fardée ne durent jamais »

Les bords des chemins a reverdi et les ânes sont ravis.

Le poulailler s’est agrandi. Om a maintenant 11 poules. Je suis allée chercher Oula dans un village voisin, déposée sur le perchoir le soir même et le lendemain les autres poules l’avaient déjà adoptée comme l’une d’elles. Quelle chance pour elle !

Plus difficile pour Paulette et Pauline, deux petites, beaucoup plus petites, qui ont eu du mal. Elles se faisaient chasser partout et elles étaient terrifiées. Le deuxième jour elles ne sont pas descendues de leur perchoir. Le troisième jour elles semblaient être plus à l’aise à quelques mètres à peine plus loin du clan.

SEPTEMBRE c’était le retour de Nicole sur Paris, les 80 ans de Geoff avec les amis et une jolie fête de famille au bord de l’eau avec tous ces neveux et nièces maintenant jeunes adultes, certains avec des petits et tout petits. Des jeunes qui m’ont impressionnée avec leur maturité et leur gentillesse.

AOUT avec notre cageot hebdomadaire de melons qui nous venait d’une ferme bio proche de chez nous, J’ai tant pensé à toi maman. On les a tellement faits ces melons avec toi ! Quand papa avait proposé de faire des courgettes, tu avais grogné. La terre est basse tu lui disais, et on a fait des courgettes.

J’ai pensé à toi maman avec Nicole ici depuis fin juillet. Je faisais une soupe en 10 mn et je partais arroser 10 minutes au jardin. Je rentrais et on se mettait à table. Moi qui ne mangeais plus le soir j’ai recommencé pour ne pas laisser Nicole manger seule. Du coup j’ai pris du poids mais je le perdrais quand Geoff partira à Londres dans une quinzaine. Je ferais un jeûne.

Tu sais maintenant Nicole, avec sa tête vide, inutile de lui parler de quoi que ce soit, elle est incapable de raisonner. Alors on la laissait avec ses pensées qui remontaient à la surface sans filtre aucun et on les accueillait comme des cadeaux.

Elle m’a parlé de votre jardinier à Meurad qui lui avait demandé de baisser sa culotte. Elle avait 8 ou 9 ans alors et s’en souvient très clairement. Elle pressentait bien alors que quelque chose clochait. Elle justifiait maintenant la demande de l’homme avec : Sans doute pour vérifier si elle était faite comme sa fille.

Elle me parle du temps ou vous étiez gamines pensionnaires à Alger. Elle, toi et Odile. Vous n’aviez pas le droit de vous promener deux par deux dans la cour de récréation. Marcher à trois oui, mais pas à deux. Les bonnes sœurs avaient peur de quoi ? De l’intimité de deux petites filles ? Nicky me dit que c’est là qu’elle a apprivoisé la solitude. Et pour la toilette, vous deviez garder votre chemise de nuit pour prendre un bain.

Tu ne nous as jamais parlé de cette époque de ta vie maman. Tu disais toujours que tu n’avais pas de souvenirs. Tu nous as parlé seulement de tes trajets en vélo, des 6 kms de Grange-Haute jusqu’au lycée de Vienne quand tu étais adolescente. Tu avais dit à Mamine que tu ne voulais pas être pensionnaire. Tu étais donc demi-pensionnaire et l’hivers tu arrivais à l’école avec les mains et les pieds gelés mais tu ne te plaignais jamais. Était-ce par rapport à ce que tu avais vécu au pensionnat plus jeune? C’est drôle je n’y avais jamais pensé avant…

Maintenant elle parle de la chance qu’elle a eut dans sa vie. Elle a beaucoup voyagé, fait des belles rencontres, a aimé son métier. Une vie si riche elle me dit. Elle a oublié ses 20 ans de dépression, son mariage raté, ses années de galère.

En arrivant ici elle ne parlait que de vouloir rester en vie jusqu’à son retour à Paris. Elle ne lit plus, ne se souvient de rien, ne peut pas avoir de conversation intelligente avec quiconque, se sent idiote, alors à quoi bon ? En fait elle s’ennuie.  Dès qu’elle s’assoie, si elle n’a pas ses mots croisés ou n’a simplement pas envie d’en faire…elle s’endort. Elle s’assoupit très souvent dans la journée.

Tu comprends moi qui ai eu une vie si intéressante ! j’ai fait tant de choses passionnantes et maintenant il ne m’en reste plus rien ! ma tête est vide. Elle rit. Elle rit toute seule parce que c’est tellement absurde.

Catherine est passée déjeuner pour la voir. Alors avec Catherine qui est si douce et attentive elle reste présente plus longtemps. Catherine aurait aimé des informations sur sa grand-mère Charlotte qui est morte encore si jeune après avoir mangé une huitre lors d’un mariage. Nicole se souvient-elle de tante Charlotte ? non, j’étais très jeune et je ne la voyais que très rarement dit-elle.

Nicole parle de votre grand-père médecin en Algérie qui avait une rue a son nom. La rue du Dr Lucien Raynaud. Elle en est si fière. Elle a été renommée bien sûr et  Nicole est déçue. La belle villa est maintenant une ambassade. Un souvenir avec le grand-père:  Elle a 3 ans et fait pipi sur les genoux du vieil homme qui sourit.

On est allées voir le Docteur Pierre. Elle voulait lui demander de l’aider à la garder en vie jusqu’à son retour à Paris. Après, à Dieu va ! Elle n’a pas peur de l’ « après ». Elle s’y prépare tous les jours. Je sais que je passerais dans l’autre monde dans la joie dit-elle.

Pierre lui a posé des questions et déduit qu’elle avait perdu une raison de vivre. Elle a acquiescé, heureuse d’être comprise. Pierre souriant, toujours égal à lui-même: Quand on est en panne d’électricité on ne vend pas la maison. On va vérifier d’où vient la panne. Est-ce une ampoule, un fusible, un interrupteur ?….Alors nous allons regarder tout cela a-t-il dit.   

Il lui a d’abord change son petit déjeuner pour l’aider avec sa constipation : une orange et une banane entières en plus de sa tisane au ginko. Nous avons remplacé la banane qu’elle ne digère pas avec un demi avocat qu’elle aime.

Ensuite il a détecté des parasites qui lui bloquent sa mémoire : des pensées négatives qu’il a nettoyées. Il lui a donné de l’homéopathie pour activer ses neurones et un rendez-vous pour l’année prochaine.

Elle n’en revenait pas. Elle riait dans la voiture en rentrant : tu te rends compte, il m’a donné un futur que je ne pouvais pas imaginer ! Alors tu veux toujours mourir à Paris quand tu rentres ? je la taquine. Je ne me sens pas mourante, je dois me trouver des nouvelles activités. Michèle rentre en ehpad spécialisée, ça me fait deux après-midis de libres… Et puis deux minutes plus tard elle a complètement oublié cette conversation.

On est retournés à la guinguette de Cazals. Elle aime tant. On y retournera dans 15 jours et tous les 15 jours jusqu’à son départ. Manger à l’ombre au bord de l’Aveyron avec les canoés qui descendent doucement le long de la berge et les enfants qui jouent sur la plage de galets…l’air est si bon…elle ne pensait vraiment pas y revenir mais la voila bien vivante qui sirote son verre de rouge. Tu te rends compte ce qu’a dit Pierre ? Moi j’y crois pas dit-elle avec conviction, mais elle est touchée par la gentillesse de Pierre à son égard.

Les paroles de Pierre tournent dans sa tête. Et si elle allait pouvoir revoir Marianne ? Son amie Marianne du même âge a une mission qui lui donne l’énergie et le désir de continuer. Même sourde et édentée Marianne continue à aider ces gens qui passent la voir, qui ont besoin d’elle. Elle avait fait une croix sur l’idée de revoir Marianne parce-que c’est loin : 20 minutes en métro, 30 minutes jusqu’à Viarmes , puis 20 mn de marche pour arriver chez son amie. Et puis de nouveau 20 minutes à pied jusqu’au chinois qu’elles aiment. Et puis la même chose en sens inverse pour rentrer chez elle ensuite avec Françoise…

J’ai retrouvé des vidéos de Mony Elkaïm. C’est elle qui l’a introduit à Paris dans les années 70. Rencontré à Milan lors du congrès international de psychothérapie elle l’avait approché et invité à venir travailler en France à la suite de quoi elle a été formée par ce thérapeute d’exception. N’ayant pas de pied à terre à Paris elle lui a offert une chambre chez elle pendant un temps. Elle parle de deux années. Et puis elle a introduit cette thérapie systémique dans son travail de thérapeute.

Elle-même en thérapie pendant des années, un jour elle voit une lumière éblouissante au bout d’un tunnel, et fait l’expérience de la JOIE, sa dépression disparait et sa vie se transforme. Elle a 60 ans.

Son passé comme un mirage n’existe plus, alors maintenant elle s’en invente un nouveau et ils est extraordinaire : Elle aurait marché et fait le tour de la terre, l’Amérique du sud, le japon, le Vietnam, l’Inde, l’Afrique du sud, l’Angleterre, l’Australie, l’Egypte…et j’en passe et toujours seule dit-elle. Hors Nicole est une solitaire, pas une aventurière. Des voyages, elle en a fait avec des groupes organisés par des agences de voyages parisiennes, mais n’ayant aucun souvenir des autres voyageurs elle en a conclu qu’elle était seule.

Mais tu n’étais jamais seule Nicky. Mais si j’étais seule ! Elle est offusquée que je doute de sa parole. L’Angleterre, toi et maman, vous y êtes venues me rejoindre une demi-douzaine de fois et chaque année on marchait dans des coins différents. J’étais avec vous ? je ne m’en souviens pas…tu es sure ?

 Alors après je la laissais rêver à ce passé qu’elle s’invente tous les jours et auquel elle s’accroche comme à une bouée de sauvetage. Elle admire ce qu’elle a fait, ces milliers de kilomètres parcourus à pied sans jamais, jamais se faire agresser. Elle aurait traversé l’Amérique du sud et marché jusqu’au pôle sud. Et je ne me suis jamais faite agresser !

 En emmenant les ânes on rencontre de temps en temps quelques promeneurs sur le Pech et elle leur raconte ces voyages aux quatre coins du monde ou elle a marché, marché, marché et toujours seule. Les promeneurs sont ébahis. Et vous avez fait des livres pour raconter vos aventures ? elle rit de plaisir. Ah non, je ne suis pas un écrivain !

En boucle au petit déjeuner et toutes les deux minutes  elle demande le programme du matin. Alors dis-moi ce qu’on fait ce matin. On va accompagner les ânes là-haut et on va cueillir des mures. Et puis au déjeuner elle demande en boucle le programme de l’après-midi midi : on va à la pharmacie et on passe chez Lena pour une caisse de melons. Quand elle recapitule, elle a tout mélangé. Quand elle s’en rend compte elle s’excuse. J’espère que tu ne m’en veux pas, ma tête ne marche plus.

Avec nous elle avait des bons jours et elle avait des jours moches avec mal a la mâchoire, un vieil implant qui fait des siennes et pour lequel elle doit patienter jusqu’à son retour à Paris. Elle a fait un malaise un soir en marchant, et aucun souvenir de l’incident le lendemain. Ce qui est clair c’est qu’après beaucoup de temps passé avec elle, à se promener et jouer aux cartes ou au scrabble, elle ne veut plus mourir.

Je suis bien chez toi. La vie est simple ici…

Oula nous fait des œufs bleus, les noires nous font des œufs vert- olive, une autre ce sont des œufs marron foncé avec des pépites blanches…nos boites d’œufs sont jolies et nous avons 2 clientes pour le moment qui en sont ravies…

Et le gout ? me demande-t-on. Le gout est le même, un œuf de poule reste un œuf de poule, seule la couleur de la coquille change en fonction des races. Les Brahma avec des plumes aux pates font des œufs bleu foncé mais nous n’avons pas de Brahma….pas encore.

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