Roxy et Paola

Je rentre de deux jours dans les Pyrénées et le printemps me fait la fête ; tout explose le lendemain de mon retour. Les verts tendres de l’orme, des châtaigniers, des frênes, du tilleul s’offrent une dance magique dans la brise. Les iris bleus et violets se sont ouverts près de la remise aux grains. Tous les buissons plantés au fil des ans dans la pelouse semblent avoir doublé de volume. Les tout nouveaux bulbes sortent de terre et le muguet est en avance. Les tiges des pivoines sont énormes entre les rosiers et le romarin rampant. Quel spectacle !

Tu pourrais me les garder quelques jours ?

La petite remise est prête. Elles arrivent vendredi soir. Dom a amené tout ce dont elles auront besoin : les graines, l’abreuvoir…

On a longtemps hésité : on ouvre dans la journée ? on n’ouvre pas ? On se soucie du renard ? on les garde dedans elles n’en mourront pas ? et puis finalement le samedi matin j’ouvre leur porte et je m’en vais continuer mon tour.

Le mois dernier Dom aussi avait eu la visite du renard dans son poulailler. Avec la fatigue de l’hôpital et l’heure tardive elle n’avait pas fermé son poulailler. Aie ! Aie ! Celles dociles et sages qui étaient rentrées se sont faites manger. Roxy et Paola qui avaient choisi de dormir à la belle étoile… ont échappé au renard.

Roxy c’est la rousse. C’est la chef. Le premier matin en alerte sur seuil de la remise, immobile, elle hume l’air, regarde à droite et à gauche plusieurs fois puis se lance à la poursuite de chaque insecte qui bouge à sa portée, suivie de Paola, comme si elles n’avaient jamais encore connu l’herbe. On dirait qu’elles volent presque à la recherche de tous ces bons morceaux. 

Paola c’est une grosse dondon qui me fait penser aux statues que j’aime tant de Jean Louis Toutain. Elle est naine mais elle a tellement de plumes et même sur les pates qu’on pourrait oublier qu’elle toute petite tellement le volume est trompeur. Quand elle se déplace avec les pates écartées et son gros derrière comme un bébé langé, on dirait que sa couche est pleine et qu’elle est très gênée.

Le premier jour je garde un œil sur ces deux-là. J’ai une petite appréhension qui m’accompagne toute la journée : rentreront-elles ce soir ?

Si elles disparaissent je ne t’en voudrais pas, avais dit Dom.

Mais elles ne s’éloignent pas vraiment loin entre la remise, l’étendage et l’entrée de la maison. Elles te feront deux œufs par jours tu verras. Effectivement le soir je trouve deux œufs dans la paille.

A 19h, je les cherche mais elles sont rentrées chez elles. Déjà ? les miennes ne rentrent pas avant 20h15, au coucher du soleil.

Le lendemain, elles s’aventurent plus loin, descendent vers les brebis et le sous-bois. Aie ! et puis non, elles vont et viennent toute la journée comme si elles étaient là depuis toujours, avec une assurance surprenante. Elles viennent même s’assoir sur le banc ou je prends mon café devant la maison. Petit moment délicieux.

Et le soir, deux œufs dans la paille.

Le troisième jour j’ai plus de mal à les localiser au milieu des brebis.  Mais le soir, elles sont perchées quand Geoff va fermer leur porte. Le quatrième jour je les retrouve plus bas dans le sous-bois mais elles ne semblent pas encore être attirée par ce “plus loin”. Il pleuviote toute la journée et elles font des aller-venues pour se protéger de la pluie dans la remise. Le soir je récolte deux œufs.

La pluie continue inlassablement, alors journée ménage et rangement. Philippe est venu finir d’installer l’escalier dans la pièce bleue, il a fait un travail superbe avec cet escalier d’occasion en chêne et je lui suis vraiment reconnaissante pour les heures passées et la minutie, l’attention du détail qu’il a appliqué. Les travaux avancent. Rob n’a pas de temps à nous donner pour l’installation de la pompe du bassin. Il faudra faire du provisoire et attendre septembre, il a dit. Ce serait bien de pouvoir retransférer les poissons dans le grand bassin pour l’été.

Roxy et Paola sont par là. Avec la pluie il y tellement de vers partout sous les chênes qu’elles ne s’arrêtent même plus devant, elles sont complètement rassasiées. Je n’ai pas beaucoup gardé l’œil sur elles aujourd’hui. Mais elles répondent à ma voix et semblent attendre quelque chose puisqu’elles me suivent quand je passe près d’elles…Un seul œuf ce soir.

Le soleil revient, mon énergie aussi, les ânes sortent, et les vers rentrent. Les carottes et les betteraves surgissent de terre et je dois penser à planter les pommes de terre…les pieds de tomates sous la grange sont bien fringuant. Je sors de 10 jours pendant lesquels j’étais incapable de rien tout en crachant mes bronches. Alors maintenant il y a tant à faire…

6eme jours, je me fais moins de soucis pour nos pensionnaires. Je découvre qu’elles aiment mes graines, celles que je distribue aux miennes et qu’elles boudent celles que m’a donné Domi pour elles. Elles aiment aussi les spaghettis que je donne aux miennes tous les matins. Elles en raffolent toutes. J’avais commencé ça pour leur faire un complément en hivers et je continue mais je dois tout de même bien arrêter un jour…devant leur joie évidente je craque.

Une belle journée ensoleillée alors la porte de la maison reste ouverte du matin jusqu’au soir et un rouge-queue ne rien trouvé de mieux que de commencer son nid sur le parapluie couché à l’horizontale sur le porte manteau de l’entrée. C’est trop joli mais je dois fermer la maison ce soir. Pardon bonhomme…

Vendredi, 7eme jour. Elles sont maintenant devant la maison à faire leur toilette au soleil. Je lisais qu’une poule a entre six mille et dix mille plumes et comme tous les oiseaux a besoin de bien les gérer pour optimiser leur vol. Elles ont perdu cette fonction mais pas l’instinct de la toilette. Paola en a plein les pates et elle se les lisse constamment. Avec l’herbe mouillée elles sont sales et ternes.

Nous avons compté jusqu’à 5 orchidées différentes qui viennent de s’ouvrir autour de la maison. Toutes ne sont pas intrigantes et il y en a une pour laquelle je n’ai aucun d’état d’âme: je lui coupe sa tige avec ma tondeuse : Elle forme un cône verdâtre, feuille et fleur, et elle pue. Mais elle est si robuste et se plait tant ici qu’elle apparait partout.

Nous sommes absents toute la journée et la météo nous prévoit 40mm de pluie. Enorme. Quand on rentre Roxi et Paola sont pitoyables mais vivantes ! s’absenter avec des poules dehors est toujours un risque…Elles sont tellement mouillées qu’elles ne ressemblent plus à rien du tout. Je m’attendais à les trouver à l’abris quelque part mais non elles continuent à vadrouiller, insouciantes et surtout insensibles à la pluie il semblerait. Je retrouve les miennes chez elles au sec…

Dom passe demain matin récupérer ses filles après sa virée en Espagne. C’est bien. Elles ne sont pas restées suffisamment longtemps pour que le renard les repère…je vais maintenant dormir tranquille…

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